Le vote du 2 décembre 2025 à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a marqué un tournant majeur dans la politique financière tunisienne. La suppression de l’article 45 de la loi n°2018-56, qui encadrait les paiements en espèces, est présentée par certains députés comme une simplification administrative et une mesure d’apaisement social. Pourtant, ses implications dépassent largement le cadre national et touchent directement à la crédibilité internationale de la Tunisie en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.
Adopté en 2018, l’article 45 interdisait la légalisation ou l’enregistrement de contrats de cession immobiliers, automobiles ou commerciaux lorsque le paiement dépassait 5.000 dinars en cash. L’objectif était de limiter l’usage du liquide, de renforcer la traçabilité des transactions et d’aligner la Tunisie sur les standards du Groupe d’action financière (GAFI). Cet article constituait ainsi un outil juridique essentiel dans la lutte contre le blanchiment et le financement illicite.
Lors du vote parlementaire, 97 députés se sont prononcés en faveur de l’abrogation, 14 contre et 19 se sont abstenus. Les partisans de la suppression ont mis en avant la complexité administrative générée par l’article et la nécessité de faciliter les transactions quotidiennes. Les opposants, quant à eux, dénoncent un retour en arrière dangereux qui fragilise la transparence financière et expose le pays à des sanctions internationales.
Sur le plan international, cette décision soulève de sérieuses inquiétudes. La Tunisie pourrait être placée sous surveillance renforcée par le GAFI, ce qui affecterait ses relations bancaires et la confiance des correspondants étrangers. Les investisseurs internationaux, notamment européens et asiatiques, pourraient percevoir cette mesure comme un signal négatif en matière de gouvernance et de transparence. La réputation financière du pays risque ainsi d’être affaiblie, au moment même où il cherche à attirer des capitaux pour financer des projets stratégiques dans l’énergie, les infrastructures et la mobilité.
Sur le plan économique, l’abrogation de l’article 45 illustre un dilemme majeur. D’un côté, elle vise à stimuler l’activité interne en réduisant les contraintes administratives. De l’autre, elle menace de freiner les flux financiers internationaux, indispensables au développement du pays. La Tunisie devra désormais renforcer ses mécanismes alternatifs de contrôle afin d’éviter un isolement financier et préserver sa place dans l’économie mondiale.
En définitive, la fin de l’article 45 apparaît comme une décision politique à double tranchant. Elle simplifie les transactions internes et répond à certaines attentes sociales, mais elle expose la Tunisie à des risques sérieux sur la scène internationale. Le pays devra trouver un équilibre entre souplesse interne et crédibilité externe pour maintenir la confiance de ses partenaires et assurer la stabilité de son système financier.

