Tunisie : économie en recomposition entre reprise sectorielle et contraintes de soutenabilité
La Tunisie aborde la fin de 2025 avec des signaux mixtes: reprise des exportations portée par des filières industrielles et minières, légère détente de l’inflation, et accélération des projets d’investissement; mais aussi un déficit commercial élevé et une dépendance énergétique qui freinent la consolidation macroéconomique. L’enjeu des prochains mois est clair: transformer la confiance sectorielle en croissance durable via des réformes ciblées et une discipline budgétaire crédible.
Conjoncture: reprise graduelle, vulnérabilités persistantes
La trajectoire 2025 dessine une reprise à bas bruit. La demande externe soutient les industries mécaniques et électriques, tandis que les mines, phosphates et dérivés confirment leur rôle de moteur en devises. Le tourisme et les transferts des résidents à l’étranger renforcent le socle de recettes, contribuant à une meilleure tenue des comptes courants. En parallèle, l’investissement déclaré s’améliore, signe d’un pipeline de projets plus dense et d’un retour progressif de la confiance des acteurs privés.
Sur le plan des prix, la légère détente de l’inflation facilite la lecture des marges pour les entreprises et offre à la politique monétaire un espace de calibrage plus fin. Toutefois, cette amélioration reste conditionnée par la stabilité des importations énergétiques et des matières premières, ainsi que par la fluidité logistique.
Commerce extérieur: contraste entre moteurs exportateurs et dépendance énergétique
Le profil des exportations en 2025 est résolument sectoriel. Les industries mécaniques et électriques progressent grâce à leur intégration dans les chaînes de valeur européennes (câblage, composants, équipements), capitalisant sur la qualité, la traçabilité et des délais maîtrisés. Le complexe mines, phosphates et dérivés bénéficie d’une demande internationale soutenue en engrais et produits chimiques, avec une meilleure valorisation des dérivés par rapport au brut.

À l’inverse, le secteur énergétique demeure le point de fragilité: recul des volumes exportés et renchérissement de la facture importée compriment la balance commerciale. Résultat, le déficit des biens reste élevé, rappelant qu’une croissance tirée par l’export ne peut se pérenniser sans une réduction de la dépendance énergétique et une montée en gamme des segments industriels.
Investissement et financement: priorité à l’exécution et à la qualité des projets
Les flux d’investissement affichent une accélération relative, portée par des projets industriels, logistiques et numériques. La discipline de financement s’impose: les entreprises arbitrent davantage entre dette et capitaux propres, avec une vigilance sur la soutenabilité des charges financières et la préservation des dividendes.
Côté État, le cadrage budgétaire 2026 doit articuler trois impératifs: maîtrise de la dépense, mobilisation des recettes sans pénaliser l’investissement, et priorisation de projets à fort rendement socio-économique. La digitalisation des procédures, la simplification des autorisations et la sécurisation juridique des partenariats public-privé sont des leviers déterminants pour transformer les intentions en réalisations.
Réformes: ancrer la compétitivité et la confiance
La consolidation passe par des réformes ciblées et mesurables:
- Gouvernance et État de droit: améliorer la prévisibilité réglementaire pour attirer l’IDE.
- Énergie et efficience: réduire l’intensité énergétique des secteurs à risque, accélérer les renouvelables, mieux contractualiser l’approvisionnement.
- Montée en gamme industrielle: soutenir la qualité, la R&D et l’intégration locale pour capter plus de valeur.
- Logistique et commerce: fluidifier ports et corridors, moderniser la douane, raccourcir les délais.
- Capital humain: renforcer les compétences techniques et managériales, aligner formation et besoins des filières exportatrices.
Chiffres clés à suivre
- Exportations: +1,1% portées par les phosphates (+9,4%) et les industries mécaniques/électriques (+7,7%).
- Énergie: recul marqué des exportations, pression sur la facture et sur le solde des biens.
- Inflation: légère détente, favorable aux marges et au pouvoir d’achat.
- Investissement déclaré: progression notable, signe d’un pipeline de projets plus dense.
- Déficit commercial: niveau élevé, à contenir par la compétitivité export et l’efficience énergétique.
Analyse et perspectives
La Tunisie dispose d’atouts concrets pour ancrer sa reprise: filières exportatrices compétitives, base industrielle diversifiée, réservoir de compétences. Pour transformer ces atouts en croissance durable, la séquence à réussir est triple: exécution des projets, réduction des vulnérabilités énergétiques, cohérence budgétaire. À court terme, la stabilité dépendra d’une conjonction de facteurs: continuité de la demande externe, discipline de gestion publique et visibilité réglementaire.
À moyen terme, une stratégie de montée en gamme — énergie propre, industrie intelligente, logistique fluide — peut réaligner la balance des biens et améliorer la crédibilité macroéconomique. La clé sera d’adosser ces intentions à des calendriers, des responsabilités claires et des indicateurs publics de performance.
Conclusion
La fin de 2025 confirme une économie tunisienne en recomposition: des moteurs sectoriels bien identifiés soutiennent la trajectoire, mais la soutenabilité macroéconomique exige des réponses structurantes. En transformant la confiance boursière et industrielle en réformes exécutées et en efficience énergétique, la Tunisie peut convertir une reprise fragile en croissance robuste et inclusive.
Rédaction Capital Vision TN
Publié le 15 novembre 2025

